Fondements artistiques

Depuis une dizaine d’années, l’action dramaturgique menée par la compagnie se nourrit de la présence immédiate et intemporelle du fleuve. Véritable centre de gravité, il est devenu source d’inspiration permanente et inépuisable.

Sa masse volumétrique rythme, depuis sa source jusqu’à son embouchure, le voyage mobile et immobile, sans commencement, ni fin. Le premier enseignement que nous donne le fleuve est que le temps n’existe pas, que tout est cycle, renouvellement et présence immédiate Dans cette vision, il est la figure emblématique d’un personnage tant physique que métaphysique.

Sa rencontre avec l’homme a fait apparaître sur ses rives cités et monuments, forteresses et cloîtres, théâtres et nécropoles, scellant ontologiquement une histoire commune. Il a charrié sur son dos vivants et morts, jusqu’aux portes de la mer, tous en quête de l’inouï questionnement. La manifestation de sa présence témoigne des arcanes du vivant. Et si l’énigme demeure, le chemin  de sa compréhension nous est donné en nous invitant à procéder par chemins successifs, chaque étape nous permettant d’explorer, tels des archéologues, la partie reliant le tout (L’épopée  de l’émersion progressive du chaland d’Arles, dégagé morceau par morceau des eaux troubles du fleuve, révélant peu à peu son identité aux yeux des hommes… illustre de manière concrète notre propos).

Cette démarche se traduit en chantiers qui rassemblent, sur un temps donné, une écriture, un site et le lien qui s’instaure entre les deux. C’est sur cette règle de trois que s’élaborent nos actions artistiques en direction des publics et des territoires accueillant nos propositions.

La transversalité de notre approche du fleuve se traduit tant géographiquement que thématiquement : dans cette vision holistique du fleuve que permet l’art, l’embouchure trouve son lien avec la source. Entre Valais et Camargue, le fleuve nous dévoile ses paysages tant extérieurs qu’intérieurs, son chant résonne dans ses assèchements et dans ses crues.

Sur la base de cette écoute sensorielle, de ce rapport sensible au monde le fleuve devient le guide vers notre propre présence incarnée. Le fleuve extérieur devient la métaphore de notre propre fleuve intérieur, le lien métaphysique est avéré. C’est la conscience de cette parenté réelle de l’homme et de son fleuve qui rend possible la « réappropriation du fleuve par les riverains ». L’homme voit le fleuve qui voit l’homme…